Une semaine à bord du sous-marin nucléaire d'attaque Emeraude

J'avais demandé à connaître la vie à bord d'un SNA, pour une courte plongée me permettant d'enrichir l'écriture de Dauphin 128, mais lorsque la Marine m'a proposé d'embarquer pour une semaine j'ai hésité une demi-seconde. Et si j'étais claustrophobe ?
Je n'ai pas l'habitude de reculer. J'écoutais un peu stupéfait l'oFFicier qui me disait: "Ce serait dans huit jours, pour une semaine. Mais vous ne pourrez peut-être pas ?" J'avalais ma salive et je m'entendis répondre : "D'accord ! "
Un sous-marin, c'est un long cigare d'acier noir complètement hermétique de 73,6 mètres de long, 7,60 mètres de large, 6,40 m de haut.
A bord, 66 hommes au mental particulier, mélange de puissance maîtrisée, de professionnalisme exacerbé, de solidarité indéfectible et de calme. Ce sont des chasseurs car un SNA c'est comme un indien qui approche du gibier sans se faire remarquer, pas d'odeur, pas de bruit, et une fois à portée, la torpille part en sifflant, neutralisant l'ennemi... Le combat est furtif, il faut des capteurs ultra-sensibles, des opérateurs très performants, des oreilles attentives et une mémoire des sons comme celles que les aveugles développent.

L'appareillage a lieu le soir... J'ai posé mon sac dans le carré des oFFiciers, un petit espace de 3 ou 4 mètres de long sur deux de large où ils mangent et se détendent. Pour l'instant c'est encombré de toutes sortes de choses. L'appel va avoir lieu, je remonte sur le quai. Les hommes sont alignés, le commandant et les oFFiciers face à eux. Ils me regardent attentivement : je suis l'écrivain qui va passer la semaine avec eux... j'imagine leurs réflexions: "Comment va-t-il se comporter ?" Je me le demande aussi. J'ignore tout.
Le commandant est jeune, comme la plupart des oFFiciers, il me présente. Je distingue quelques sourires discrets. Les oFFiciers mariniers ne s'en laissent pas compter. Ils sont expérimentés, véritables maîtres du bâtiment dont ils connaissent la moindre soudure, la plus petite tôle qui bat en vitesse rapide, les caprices des instruments, jusqu'à la dernière boite de petits pois. 
C'est Fini. Nous rejoignons le bord.
Le commandant m'invite à monter avec lui dans le kiosque, tout en haut d'une multitude d'échelles raides et humides. Impressionnant ! Je suis installé dans une "oreille", un peu en arrière du kiosque, sur le côté. De là, je vois la manoeuvre d'appareillage, et comme il y a du vent, de l'air, de la lumière, la mer et la côte, je ne ressens pas le mal de mer bien que le sous-marin se comporte comme le canard jaune en plastique de mes petits-enfants dans leur baignoire... D'ailleurs je suis dans la baignoire.

L'antenne Filaire est lovée sur le pont. Les hommes vont la dérouler aFin qu'elle paresse derrière nous, longue flûte captant les bruits et les messages. C'est le Fil d'Ariane qui nous reliera à la vie terrestre mais, pour l'heure, c'est un travail diFFicile et dangereux que de la mettre à l'eau. EnFin c'est fait et nous allons bientôt pouvoir plonger car ici le plateau continental est très court, les profondeurs rapidement abyssales.

J'ai rangé mes lunettes de soleil, prochain coup de soleil dans une semaine...

Je découvre le bord, guidé par un jeune marin. Voici la salle des torpilles, je suis à l'avant du sous-marin. Il fait frais, presque froid. Il me montre ma banette installée sur une rance : une cinquantaine de centimètre de haut, entre une torpille et un missile SM39-Exocet. "Je dormirai à la place d'une torpille qui m'a gentiment laissé la place. Je suis surnuméraire et j'apprécie ma chance d'être là. Ce n'est pas tous les jours que l'on dort avec les pieds qui peuvent toucher un lance-torpille... C'est sportif pour se glisser dans mon petit lit alors que les espaces latéraux débouchent sur des profondeurs insoupçonnées. Il faudra faire attention à ne rien laisser tomber, car atteindre le fond de cale doit-être diFFicile.
L'indicateur d'immersion marque 45 mètres, un homme passe avec une lampe de poche : "Ronde d'étanchéité !" A chaque plongée, après le "Alerte ! Alerte !", le rituel est le même, jusqu'à 300 m... Après, ce sera toutes les deux heures. Il ne faut surtout pas laisser la moindre fuite devenir dangereuse.

Mon guide me montre l'utilisation du masque à oxygène : une ligne de survie qu'il faut brancher sur certaines conduites en cas d'urgence. Il faudra que je les repère systématiquement lors de mes déplacements. Autre avantage du système, c'est qu'en cas d'angoisse l'oxygène dé-stresse... Jamais je n'en ai eu besoin, le calme des hommes, leur conFiance et peut-être une certaine insouciance m'ont suFFit. Je m'organise et rejoints le carré pour le dîner.
La suite ? Je vous la raconte dans le roman Dauphin 128.  En savoir plus
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